EN BOUCLE : SANTA MARIA DE CARMEN MARIA VEGA

Un album ne se juge jamais en une écoute. Je dirais même que l’on ne peut vraiment apprécier un album à la première écoute. Aujourd’hui, il faut que les titres frappent et marchent directement dans nos oreilles. La logique de l’album a du mal à survivre à notre époque de l’instantané.

Pourtant, un album, c’est une construction, c’est un choix, et une suite de chansons qui s’enchaînent selon la réflexion de l’auteur.

J’ai donc eu envie d’écouter en boucle, Santa Maria de Carmen Maria Vega pour m’en faire une idée définitive.

Pourquoi Carmen Maria Vega ?

D’abord parce que dans sa voix s’exprime une force et une énergie singulière qui me fait vibrer à chaque écoute. Aussi pour la nostalgie de ce moment anodin où j’ai pris dans mes mains le premier CD de cette chanteuse, à la bibliothèque de ma petite ville de jeunesse. L’époque où on acceptait le mystère d’une future écoute, sans connaître grand chose du contenu.

Et puis, et puis pour sa rage et sa colère, son coté punk, sa beauté latine, son amour de Boris Vian (mini-album sur le sujet) de Mistinguett (une comédie musicale) et de la chanson française en général.

Enfin, l’essence même de cet album, puisé dans l’histoire touchante de la chanteuse. Cette jeune femme d’origine guatémaltèque fut adoptée et élevée en France. Lorsqu’elle décida de chercher ces racines, elle découvrit qu’elle avait fait partie d’un trafic d’enfant, méthode qui existait à l’époque dans ces pays à la situation instable. De ce trouble, de cette quête d’identité, elle a produit un album, d’une richesse incroyable.

J’ai vu récemment le film Lion sur la même thématique. Très beau et bien servi par Dev Patel, l’acteur de slumdog millionaire, à voir !

À regarder également : On s’en fout et Le grand secret

Bref, voici mes impressions :

Première écoute :

Santa Maria : Premier titre qui a permis d’annoncer l’album. Un parallèle de sa découverte de l’Amérique latine avec la découverte de Colomb. Un refrain entraînant et à reprendre.

Bradé : Une chanson coup de poing. Avec un flot ravageur, Carmen Maria nous conte la descente triste et fatale d’un homme démuni et seul, en déshérence d’avenir. Chanson engagée dans un contexte économique très dur. La fin est glaciale, et punk. Reste en mémoire.

L’Honneur : C’est le coté punk que j’aime chez Carmen Maria. Et cette chanson est exactement ce que j’attends d’elle. Une dénonciation rageuse de cette bêtise, souvent machiste, qu’est l’honneur. Toujours avec cette façon théâtrale et déstructurée de chanter qui fait sa particularité.

Jettatore : Joli mot pour dire jeteur de sort. Une chanson qui à du swing, agréable à écouter en boucle. Écrit par des anciens du groupe Paris Combo. Comme quoi, ca ne trompe pas !

Le grand secret : Une chanson bien rythmée écrite par Mathias Malzieu et qui raconte de façon elliptique le parcours de Carmen pour retrouver sa famille biologique. Chanson qui promeut l’album, sous la forme d’un clip.

Après quelques écoutes : 

La fille de feu : Très music-hall, avec des ruptures et une interprétation pleine de variation. Une sorte de grande roue musicale. Et aussi, une revendication à être soi-même, tout feu, tout flamme.

Toujours plus d’écoute :

J’ai tout aimé de toi : Un texte alambiqué qui révèle les troubles de l’identité sexuelle. Ce n’est pas étonnant puisqu’il a été écrit par Zaza Fournier, toujours fasciné par les frontières du genre et les périphéries de la pansexualité. Un joli son donc, et des beaux mots. Dans la même thématique que Trans, morceau rockabilly

Tout ce qui finit en ine :  Du punk sur le mal-être transmis par la sonorité ine. Et aussi sur celle de la société ?

Je passe sans écouter :

Amérique latrines : Beaucoup de qualité dans ce texte, mais peut être la violence du propos, même légitime, me repousse un peu. Intéressante donc, et pertinente sur la question de la violence en Amérique latine, mais pas très musicale pour mon oreille.

Ultra vega : J’accroche pas trop. Moins de sens que les autres morceaux finalement. Et puis cette production un peu foireuse, avec un vieux son FM année 90. Peut-être volontaire, mais moi, je ne trouve pas ca convaincant.

Finalement, en conclusion :

Les questions de l’origine traitées sous différents angles, et de différentes manières donnent à cet album une cohérence et une certaine puissance pour peu qu’on soit sensible à ce thème. C.M.V. multiplie les façons de chanter et d’interpréter, ce qui pourra rebuter les amateurs d’un style plutôt que de l’autre. Mais le personnage est si truculent, et sa voix si merveilleuse qu’il serait dommage de passer à côté.

A vous de vous embarquer sur la Pinta, la Nina et la Santa Maria 🙂

 

 

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